L’Est du Congo vit avec les groupes armés, les temps de guerre, les exactions des groupes rebelles depuis plus de 20 ans.

Dans un univers d’une violence ordinaire et quotidienne, le corps des femmes est devenu un charnier sans nom. Et les hommes, les pères de famille, les fils, ont été mis à genoux et bâillonnés dans le silence de leur impuissance à protéger les leurs.

Et tisser des liens de confiance et de respect
Tisser des liens de confiance et de respect – Photo Chloé Lambert pour l’ong Epiceries

C’est au Nord-Kivu, dans ce contexte de violence extrême, que depuis 2011 l’asbl SVP m’a demandé de développer une pédagogie  de la résilience. Une approche basée sur la prise en charge communautaire des traumas, et un développement d’agir qui permet de dépasser les tensions entre les groupes ethniques, les luttes féroces pour le partage de la terre; et de travailler ensemble à restaurer le corps social.Nous avons fait  jour après jour l’expérience que l’éducation populaire ancrée dans les droits culturels en tant que Droits de l’humain,  définis dans la Déclaration de Fribourg et par l’Unesco, transforme radicalement le désespoir, la haine et l’impuissance et permet de poser les jalons d’une démocratie de personnes responsables, debout, engagées ensemble, chacune à leur niveau, et dans une réciprocité effective, pour le bien commun et pour la paix.

Laniakea, Lumière du Galetas

Laniakea, Lumière du Galetas

Un conte en scène pour les 20 ans d’une association

L’association urumuri a souhaité pour ses 20 ans relire son histoire, les défis qu’elle a relevé, les chances, les joies. Elle a voulu faire la mémoire du passé, en tirer les apprentissages, pour imaginer une mémoire de l’avenir qui dessine les contours des prochaines années.

Un groupe de travail très motivé s’est mis en route. Un spectacle participatif en est né qui a vu le jour en novembre 2023. Il raconte la naissance du Galetas, le lieu du Big Bang d’urumuri, et son évolution à travers le prisme de Laniakea, le nom d’un amas de galaxies,

Le Galetas est au centre de l’univers urumuri. Urumuri signifie lumière. Cette lumière vient du Galetas pour éclairer urumuri, et en même temps le Galetas reçoit sa lumière de Laniakea. Mais le Galetas ne peut pas se suffire en soi, d’autant plus que le galetas physique a disparu. IL ne peut pas se nourrir de sa propre lumière. Ni auto-générer le rayonnement de urumuri. 

Il lui faut un cette dimension que d’aucuns appelleront spiritualité, foi et…. qui à la fois permet de ne jamais perdre de vue ce qui est essentiel, ce qui permet la fécondation du présent et qui donne la force du parcours de résilience, pour soi et pour les autres, quand rien en va plus.

Pour les navigateurs hawaïens, ce quelque chose qui leur permettait de ne pas sombrer, de garder le cap, de poursuivre leur quête, c’était cet horizon céleste infini, ce paradis incommensurable: Laniakea. Laniakea est le nom qu’a donné par une astrophysicienne française, Hélène Courtois. C’est un amas de galaxies très lointain, un endroit avec plusieurs galaxies proches les unes des autres. Laniakea.

« Après le système solaire, il y a notre galaxie, la Voie Lactée, incluse dans un Groupe Local, lui-même compris dans un ensemble d’environ 1 milliers d’autres galaxies, le superamas de la Vierge, qui est lui-même inclus, depuis sa découverte par notre invitée (Hélène Courtois) en 2014, dans un superamas encore plus vaste, nommé Laniakea. « Cette découverte lui a valu d’être classée dans la liste des 50 personnalités les plus influentes de France. »

Par analogie, les fondateurs du Galetas et de urumuri pensent que d’être conscients que quelque chose de plus grand, un bout d’univers insaisissable, mais bien présent dans un coin de notre univers, un quelque chose qui nous dépasse mais dont nous faisons partie, est fondamental et fondateur pour l’association et permet de ne jamais baisser les bras, de « garder les yeux levés au ciel ». Même quand le galetas physique disparaît. Le Galetas n’est pas mort et ne peut pas mourir, tant qu’il est « relié à son Laniakea »

Le conte en scène a bénéficié de magnifiques images NASA/ESA qui nous été transmises par l’astronaute suisse Claude Nicollier qui précisait que toutes les images de l’espace appartiennent à l’humanité et sont libres de droits. Ces images ont été emportées par l’envoûtante musique Hora Lautareasca de l’album Voyage au bout des notes d’Alexandre Cellier et Jean Duperrex. De nombreux artistes, dont ont apporté leur soutien et leur coeur à cette création destinée à rendre visible et audible la vision du fondateur du Galetas et porteur de son esprit, Gilbert Bigirindavyi. Création visuelle: Simon Mocong. Ecriture finale et mise en scène: Véronique Isenmann et Maryse Grari, écrivains.

Dans le courant de l’été 2025 vous pourrez voir des extraits du spectacle filmés par Miguel Béchet, Social Movies Production et accéder à la liste complète des artistes qui ont illuminé cette création comblée de résilience.

Nous veillerons à ce que les souhaits ne restent pas des vaines paroles

Les jours de démunission ont usé nos forces. Il est temps de s’asseoir un moment.
Mun gode Allah! La joie d’avoir mis quelque chose de côté pour les enfants, un peu d’espoir de pouvoir arriver à la prochaine récolte : Puisse Dieu le Tout Puissant nous accorder des jours meilleurs! S’asseoir pour préparer un futur… Nous les femmes de l’ONG Femmes et Solidarité SOFEMA, nous ferons en sorte que les souhaits ne soient pas que des mots.

Le chant du pilon
Le chant du pilon. Les femmes se parlent de villages en villages quand elles font danser les pilons.

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Cercles de parole

Les cercles de parole font partie des approches de base de la démarche Paindesel en accompagnement communautaire

Les personnes se tiennent en un cercle fermé, dans un espace qui constitue une bulle de protection, un espace de confidentialité. Le-la « sage » qui guide le cercle entame le tour de parole avec une question, apportée par le groupe ou donnée par les circonstances, le contexte, par rapport à laquelle les participants vont s’exprimer, s’ils le souhaitent, à tour de rôle en JE.  Le bâton de parole qui passe de main en main laisse la personne libre de parler ou de se taire, de peser ses mots à l’aulne du poids du bâton. Le bâton rend visible que nul-le ne peut en être privé-e. C’est le premier pas vers la reconnaissance de chaque personne, de son identité culturelle et de ses droits. C’est un pas essentiel dans l’apprentissage de la démocratie.

Durée de la formation aux cercles de parole: 80 heures de formation. La formation comprend une partie théorique et une pratique des cercles de parole ainsi qu’une supervision de la pratique.

La formation est répartie en 4 modules distincts de 20 heures chacun. Tarif: 500.- CHF/Euros/USD par module. Chaque module est prérequis pour accéder au module suivant sauf accord préalable.
Tarif pour la formation complète: 1800.- CHF/Euros/USD
Les formations sont payables avant les sessions de formation.

 

Témoignage au Nord-Kivu, RDC

Toute notre vie dans le camp est complètement difficile, je suis venu à Masisi,  il y a des années, et je ne savais pas à qui confier mes problèmes. Grâce aux cercles de parole,  je retrouve la confiance en moi.  Je me sens totalement libéré et ça me permet d’être en confiance avec les autres. Simama* est très important pour moi car c’est simple et c’est moins difficile pour pratiquer. Nous étions malade, mais alors très malades,  on ne devrait se résigner que dans son coin.

Grâce à Simama,  j’ai repris ma joie d’antan, j’ai la confiance en moi et j’ai presque tout oublié, même si c’est difficile d’en oublier.  J’aime rentrer chez moi, j’ai repris la force,  j’ai repris l’espoir, et si je peux encore rire, c’est grâce à Simama.  Je vous exhorte d’aller chercher aussi les gens dans les villages car il y a tant de personnes qui en souffrent tellement.

Simama est le nom utilisé au Congo pour le protocole de détraumatisation qui inclut des exercices de tapotement et des cercles de parole

 

TTT: Une belle rencontre

Rencontre avec Gunilla Hamne

Ce matin à Goma belle rencontre entre notre co-président Denis Awazi Makopa et Gunilla Hamne, conceptrice de la Trauma Tapping Technique TTT, l’un des éléments importants du projet Simama, développé par Véronique Isenmann avec l’asbl SVP, Goma.

En effet Simama commence par une pratique d’exercices psychocorporels, dont la technique du tapotement contre les traumas est un élément central. Avec Simama, le tapotement associé aux sons qui entrent en résonance avec la souffrance intérieure permet de mettre les maux en mots dans les cercles de parole.

Ils se sont retrouvé au Bureau pour le Volontariat au service de l’Enfance et de la Santé, très belle asbl qui s’occupe de la réinsertion des enfants soldats dans les Kivu. Merci Gunilla pour toute l’inspiration et les belles rencontres avec nous.

Vous trouverez plus d’information sur le travail de Gunilla sur son site . Vous pouvez aussi découvrir le tapotement grâce à une animation qui permet de découvrir Step-by-Step de quoi il s’agit.

Nyumbani m’a baba yangu munamakao…

Dans la maison de mon père, il y a plusieurs demeures …

C’est avec ces mots que le chef du village de Bino, dans la localité de Mashaki,  Groupement de Buabo, Territoire de Masisi, a salué l’installation des Babamama de l’asbl SVP à Bino (Evangile de Jean 14,2).

Les Babamama sont des personnes qui ont fui leur village il y au moins 4 ans mais certains il y a plus de 10 ans, devant la violence de groupes rebelles. Elles qui ont vécu dans des camps de personnes déplacées internes près de Goma,  ont suivi volontairement la formation Simama proposée par Véronique Isenmann dans le camp. Grâce à Simama, elles sont aujourd’hui retournées dans leur village après une longue absence.

Quand elles reviennent, elles ne retrouvent pas forcément leurs terres. Et il faut tout l’apprentissage que nous avons fait ensemble pour leur donner le courage de revenir le coeur en paix. Et encore plus pour devenir à leur tour animateurs Simama dans le village.

Les chefs de groupement et de localité ont chaleureusement accueilli notre équipe de formateurs venus de Goma pour installer officiellement les Babamama en tant qu’animateurs d’un point focal et les autorités locales ont dès à présent sollicité l’aide des Babamama et des formateurs pour faciliter la médiation foncière avec le projet Omaweh.

Comme accompagnante de cette asbl, je suis particulièrement émue par ces premières témoignages de ces premiers retours volontaires et engagés. Merci à toute l’équipe qui travaille d’arrache-pied pour que la restauration du corps social devienne réalité.

 

 

 

Nous serons vos relais là où nous allons …

Grâce à  Goyabaya,  j’ai pu me relever, je sais maintenant que faire dans la vie si on est au bout. Présentement,  je sais qu’il y a des gens qui savent redonner de l’espoir de vivre. Au début de cette activité j’avais l’intention d’abandonner,  je prenais comme un temps perdu tous ces exercices sur la détraumatisation et je n’y croyais pas et je ne pensais pas que l’on puisse jamais guérir de ses plaies intérieures, suite de ce que l’on a vu,  entendu ou senti. Mais grâce à  vous je suis en forme, alors très en forme, merci merci du travail abattu. Nous serons vos relais là où nous allons et ne tardez pas de venir nous rendre visite. aksanti, aksanti sana.

Babamama Jeanette Uzamukunda, 47 ans, retournée de Ntamugenga, épouse de Placide, 8 enfants, Rutshuru

Babamama - retour 29.1.17Sur 75 Babamama intermédiateurs culturels, 50 ont choisi de retourner dans leurs milieux parce qu’ils se sentent prêts, pour certains après de nombreuses années passées dans le camp de Mugunga III. Magnifique impact de notre projet d résilience Simama et de son prolongement, le projet d’empowerment GoyaBaya.

Ils ont choisi d’être les ambassadeurs de nos projets là où ils seront. Les 10 premiers sont partis avec leurs familles. Ils seront rejoints par notre équipe Epiceries-SVP dans les prochains jours pour être présentés aux autorités civiles, coutumières et religieuses et pour les accompagner dans leurs premiers pas de retour. Les prochains groupes s’apprêtent à leur tous.

Ils sont partis par camion au petit jour avec l’association des camionneurs et sont  arrivés sains et saufs.

Il est homme, pygmée, et il a dit oui

Les cercles de parole, transmis par les Nations premières au Nord du Québec, sont le fondement de notre démarche. Le bâton de parole qui passe de main en main et laisse la personne libre de parler ou de se taire, de peser ses mots à l’aulne du poids du bâton, rend visible que nul-le ne peut en être privé-e. C’est le premier pas vers la démocratie.

Cercle de paroleJean-Paul est mtwa, c’est à dire homme de la forêt, pygmée. Après 1 mois de formation à Simama dans le camp de Mugunga III, il nous dit: « Il y a un mois, je ne savais même pas qu’un pygmée pouvait prendre la parole devant un bantu (ndlr: humain, représentant de tous les groupes non pygmés). Il y a une semaine je ne savais même pas qu’un jour j’aurais envie de prendre la parole devant un bantu. Et aujourd’hui, non seulement j’ai le désir de prendre la parole devant un bantu, non seulement j’ose la demander, mais en plus je trouve normal qu’on me la donne. Il faut absolument que tous les batwa (ndlr: pygmées) apprennent cette bonne nouvelle. »

Depuis, Jean-Paul fait partie des 76 Babamama du camp de Mugunga III, et il s’investit avec ses collègues dans les projets de résilience et d’empowerment dans le camp et dans le groupement de Mudja, territoire de Nyiragongo

 

Elles trouvent le courage de rentrer

A l’heure où la Province du Nord-Kivu compte plus de 830’000 personnes déplacées, 2 de nos Babamama ont eu le courage et l’envie de rentrer chez elles après des années passées dans un camp.

Séance Simama
Séance Simama

Pourquoi partir maintenant? Comme Babamama, elles ont appris les exercices de détraumatisation, elles savent gérer des cercles de parole et mener à bien une activité communautaire pour la cohésion sociale et l’acquisition de revenus.

Et elles ont souligné que enfin elles se sentaient armées pour repartir chez elle et si possible créer une antenne Simama dans leur lieu de retour. Merci les amies et à tout à l’heure!!!