Le Guanacaste au Costa Rica

Une région qu’il m’a été donné de découvrir grâce à Samuel Isenmann, qui a travaillé avec des femmes essentiellement migrantes nicaraguayennes, vivant dans une grande démunission matérielle et psychologique. Il était impliqué dans un projet d’empoderamiento, de changement communautaire de la vie des femmes et m’a invité à faire une supervision de son travail.

C’était l’occasion de renouer avec une spécialiste en pédagogie de la transformation, Anne Robert, avec qui nous avions fait connaissance à Goma! L’une de ces rencontres improbables à l’Université Libre des Pays des Grands Lacs qui a scellé une collaboration fructueuse. De nos tissages sont nés des projets communs directement inspirés des désirs et des compétences des personnes avec qui nous avons travaillé au Niger et au Congo: transmission intergénérationnelle des savoirs  autour de la terre et des semences, banques alimentaires.

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Ces regards croisés nous ont permis de vérifier que les approches que nous avons développé précédemment se fécondent mutuellement entre les 2 continents. L’énergie et la pratique latino-américaine de l’empowerment conjuguée à la mémoire et la capacité de transformation des héritages africaines renforcent nos démarches. Les liens qui se sont tissés peu à peu et pour un temps dans un véritable échange et une « contamination » mutuelle des désirs, des savoirs et des compétences entre l’Afrique et l’Amérique centrale ont été source de joie et d’étonnement émerveillé.

Les collègues d’Amérique latine sont héritiers d’une longue et forte tradition d’éducation populaire et de pratiques innovantes, dont les approches développées par Paulo Freire ou le Théâtre de l’Opprimé d’Augusto Boal, Elles ont largement contribué à renforcer mes pratiques et démarches pédagogiques.

Le Costa Rica a accueilli aussi des volontaires suisses dans le cadre de projets d’études ou de vie. Ils ont pu vivre et penser les diversités et droits culturels avec une équipe compétente et un cadre familial exceptionnel dans la maison d’accueil d’Ana-Laura.

L’Est du Congo vit avec les groupes armés, les temps de guerre, les exactions des groupes rebelles depuis plus de 20 ans.

Dans un univers d’une violence ordinaire et quotidienne, le corps des femmes est devenu un charnier sans nom. Et les hommes, les pères de famille, les fils, ont été mis à genoux et bâillonnés dans le silence de leur impuissance à protéger les leurs.

Et tisser des liens de confiance et de respect
Tisser des liens de confiance et de respect – Photo Chloé Lambert pour l’ong Epiceries

C’est au Nord-Kivu, dans ce contexte de violence extrême, que depuis 2011 l’asbl SVP m’a demandé de développer une pédagogie  de la résilience. Une approche basée sur la prise en charge communautaire des traumas, et un développement d’agir qui permet de dépasser les tensions entre les groupes ethniques, les luttes féroces pour le partage de la terre; et de travailler ensemble à restaurer le corps social.Nous avons fait  jour après jour l’expérience que l’éducation populaire ancrée dans les droits culturels en tant que Droits de l’humain,  définis dans la Déclaration de Fribourg et par l’Unesco, transforme radicalement le désespoir, la haine et l’impuissance et permet de poser les jalons d’une démocratie de personnes responsables, debout, engagées ensemble, chacune à leur niveau, et dans une réciprocité effective, pour le bien commun et pour la paix.

La région de l’Arewa au Niger

La région de l’Arewa au Niger

Les responsables de la Sofema en plein apprentissage de l'éditeur d'équation
Mettre les nouvelles technologies au service des Paroles de femmes.

Les femmes de Femmes et Solidarité de l’Arewa, SOFEMA, sont à la source de toute la pédagogie populaire sur l’empowerment communautaire, le développement du pouvoir d’agir ensemble. Des projets communautaires forts ont changé la vie des femmes et des villages tels les projets de solidarité économique, les banques céréalières, le projet charrettes, le projet Rues propres, l’accompagnement des filles-mères.

La structure en étoile, avec un comité central à Dogondoutchi, et des comités villageois autonomes, la responsabilité collective du remboursement des micro-crédits, la liberté de décision au niveau local,  a grandement favorisé et largement contribué à une meilleure vie ensemble et à l’apprentissage d’une démocratie forte, au sens d’une prise de parole et de décision responsable et engagée au niveau local. Plus de respect de la part des hommes envers les femmes, une plus grande confiance des femmes en leurs capacités, un travail collaboratif entre les femmes et les hommes de bonne volonté. Après 20 ans, les membres de la SOFEMA étaient actives dans 35 villages et un village de femmes migrantes et touchaient 250’000 personnes.

Après 2017 la situation dans la région a beaucoup changé. Boko Haram a semé la terreur, les hommes ont pris peur pour leurs femmes, leurs familles, l’accompagnement des comités villageois est devenu quasi impossible et le travail de 20 ans est profondément perturbé. Mais l’esprit SOFEMA inspire encore nombre de mes accompagnements.

Laniakea, Lumière du Galetas

Laniakea, Lumière du Galetas

Un conte en scène pour les 20 ans d’une association

L’association urumuri a souhaité pour ses 20 ans relire son histoire, les défis qu’elle a relevé, les chances, les joies. Elle a voulu faire la mémoire du passé, en tirer les apprentissages, pour imaginer une mémoire de l’avenir qui dessine les contours des prochaines années.

Un groupe de travail très motivé s’est mis en route. Un spectacle participatif en est né qui a vu le jour en novembre 2023. Il raconte la naissance du Galetas, le lieu du Big Bang d’urumuri, et son évolution à travers le prisme de Laniakea, le nom d’un amas de galaxies,

Le Galetas est au centre de l’univers urumuri. Urumuri signifie lumière. Cette lumière vient du Galetas pour éclairer urumuri, et en même temps le Galetas reçoit sa lumière de Laniakea. Mais le Galetas ne peut pas se suffire en soi, d’autant plus que le galetas physique a disparu. IL ne peut pas se nourrir de sa propre lumière. Ni auto-générer le rayonnement de urumuri. 

Il lui faut un cette dimension que d’aucuns appelleront spiritualité, foi et…. qui à la fois permet de ne jamais perdre de vue ce qui est essentiel, ce qui permet la fécondation du présent et qui donne la force du parcours de résilience, pour soi et pour les autres, quand rien en va plus.

Pour les navigateurs hawaïens, ce quelque chose qui leur permettait de ne pas sombrer, de garder le cap, de poursuivre leur quête, c’était cet horizon céleste infini, ce paradis incommensurable: Laniakea. Laniakea est le nom qu’a donné par une astrophysicienne française, Hélène Courtois. C’est un amas de galaxies très lointain, un endroit avec plusieurs galaxies proches les unes des autres. Laniakea.

« Après le système solaire, il y a notre galaxie, la Voie Lactée, incluse dans un Groupe Local, lui-même compris dans un ensemble d’environ 1 milliers d’autres galaxies, le superamas de la Vierge, qui est lui-même inclus, depuis sa découverte par notre invitée (Hélène Courtois) en 2014, dans un superamas encore plus vaste, nommé Laniakea. « Cette découverte lui a valu d’être classée dans la liste des 50 personnalités les plus influentes de France. »

Par analogie, les fondateurs du Galetas et de urumuri pensent que d’être conscients que quelque chose de plus grand, un bout d’univers insaisissable, mais bien présent dans un coin de notre univers, un quelque chose qui nous dépasse mais dont nous faisons partie, est fondamental et fondateur pour l’association et permet de ne jamais baisser les bras, de « garder les yeux levés au ciel ». Même quand le galetas physique disparaît. Le Galetas n’est pas mort et ne peut pas mourir, tant qu’il est « relié à son Laniakea »

Le conte en scène a bénéficié de magnifiques images NASA/ESA qui nous été transmises par l’astronaute suisse Claude Nicollier qui précisait que toutes les images de l’espace appartiennent à l’humanité et sont libres de droits. Ces images ont été emportées par l’envoûtante musique Hora Lautareasca de l’album Voyage au bout des notes d’Alexandre Cellier et Jean Duperrex. De nombreux artistes, dont ont apporté leur soutien et leur coeur à cette création destinée à rendre visible et audible la vision du fondateur du Galetas et porteur de son esprit, Gilbert Bigirindavyi. Création visuelle: Simon Mocong. Ecriture finale et mise en scène: Véronique Isenmann et Maryse Grari, écrivains.

Dans le courant de l’été 2025 vous pourrez voir des extraits du spectacle filmés par Miguel Béchet, Social Movies Production et accéder à la liste complète des artistes qui ont illuminé cette création comblée de résilience.

TTT: Une belle rencontre

Rencontre avec Gunilla Hamne

Ce matin à Goma belle rencontre entre notre co-président Denis Awazi Makopa et Gunilla Hamne, conceptrice de la Trauma Tapping Technique TTT, l’un des éléments importants du projet Simama, développé par Véronique Isenmann avec l’asbl SVP, Goma.

En effet Simama commence par une pratique d’exercices psychocorporels, dont la technique du tapotement contre les traumas est un élément central. Avec Simama, le tapotement associé aux sons qui entrent en résonance avec la souffrance intérieure permet de mettre les maux en mots dans les cercles de parole.

Ils se sont retrouvé au Bureau pour le Volontariat au service de l’Enfance et de la Santé, très belle asbl qui s’occupe de la réinsertion des enfants soldats dans les Kivu. Merci Gunilla pour toute l’inspiration et les belles rencontres avec nous.

Vous trouverez plus d’information sur le travail de Gunilla sur son site . Vous pouvez aussi découvrir le tapotement grâce à une animation qui permet de découvrir Step-by-Step de quoi il s’agit.

Les Babamama

Cette magnifique femme, dont l’artiste congolais Patrick Kaluta Kalpone raconte l’histoire en BD, est l’une des premières des 50 Babamama, intermédiateurs culturels, retournés dans leur village après des années passées dans un camp de personnes déplacées internes près de Goma.

Sur place, Les babamama sont responsables de Simama et créent en brousse des antennes d’apaisement et d’intermédiation culturelle pour venir en aide aux villageois et aux autorités dans la gestion des traumas et dans la résolution de problèmes fonciers.

Les Babamama sont des personnes qui ont suivi la formation Simama dans les camps de déplacement internes. Simama, l’approche  qui a été créée par Véronique Isenmann avec les membres de l’asbl SVP, Goma. C’est une approche fondée sur les cercles de parole, sur une pratique psycho-corporelle et sur un réseau autogéré solidaire qui permet la création de micro-activités génératrices de revenus communautaires.

Merci à Patrick Kaluta Kalpone pour sa mise en images du travail magnifique de ce réseau.

L'histoire de cette femme qui rentre au village après des années dans un camp
L’histoire de cette femme magnifique qui rentre au village après des années dans un camp et devient responsable Simama, en swahili et en français

BD - Immaculée - 4 - FR

Et en version vidéo la fête dans les villages:

C’est la fête, avec les autorités et les Babamama à Bino, RDC, Nord-Kivu, Territoire de Masisi. Mais aussi dans nos cœurs! Premiers retours réussis des personnes déplacées du camp de Mugunga. Et surtout premiers ambassadeurs de notre programme installés officiellement dans les villages.

Ce soir, on ira chanter…

Venez chanter avec nous! C’est la fête, avec les autorités et les Babamama à Bino, RDC, Nord-Kivu, Territoire de Masisi. Mais aussi dans nos cœurs! Premiers retours réussis des personnes déplacées du camp de Mugunga. Et surtout premiers ambassadeurs, les Babamama, de notre programme Simama installés officiellement dans les villages.

Nyumbani m’a baba yangu munamakao…

Dans la maison de mon père, il y a plusieurs demeures …

C’est avec ces mots que le chef du village de Bino, dans la localité de Mashaki,  Groupement de Buabo, Territoire de Masisi, a salué l’installation des Babamama de l’asbl SVP à Bino (Evangile de Jean 14,2).

Les Babamama sont des personnes qui ont fui leur village il y au moins 4 ans mais certains il y a plus de 10 ans, devant la violence de groupes rebelles. Elles qui ont vécu dans des camps de personnes déplacées internes près de Goma,  ont suivi volontairement la formation Simama proposée par Véronique Isenmann dans le camp. Grâce à Simama, elles sont aujourd’hui retournées dans leur village après une longue absence.

Quand elles reviennent, elles ne retrouvent pas forcément leurs terres. Et il faut tout l’apprentissage que nous avons fait ensemble pour leur donner le courage de revenir le coeur en paix. Et encore plus pour devenir à leur tour animateurs Simama dans le village.

Les chefs de groupement et de localité ont chaleureusement accueilli notre équipe de formateurs venus de Goma pour installer officiellement les Babamama en tant qu’animateurs d’un point focal et les autorités locales ont dès à présent sollicité l’aide des Babamama et des formateurs pour faciliter la médiation foncière avec le projet Omaweh.

Comme accompagnante de cette asbl, je suis particulièrement émue par ces premières témoignages de ces premiers retours volontaires et engagés. Merci à toute l’équipe qui travaille d’arrache-pied pour que la restauration du corps social devienne réalité.

 

 

 

Il est homme, pygmée, et il a dit oui

Les cercles de parole, transmis par les Nations premières au Nord du Québec, sont le fondement de notre démarche. Le bâton de parole qui passe de main en main et laisse la personne libre de parler ou de se taire, de peser ses mots à l’aulne du poids du bâton, rend visible que nul-le ne peut en être privé-e. C’est le premier pas vers la démocratie.

Cercle de paroleJean-Paul est mtwa, c’est à dire homme de la forêt, pygmée. Après 1 mois de formation à Simama dans le camp de Mugunga III, il nous dit: « Il y a un mois, je ne savais même pas qu’un pygmée pouvait prendre la parole devant un bantu (ndlr: humain, représentant de tous les groupes non pygmés). Il y a une semaine je ne savais même pas qu’un jour j’aurais envie de prendre la parole devant un bantu. Et aujourd’hui, non seulement j’ai le désir de prendre la parole devant un bantu, non seulement j’ose la demander, mais en plus je trouve normal qu’on me la donne. Il faut absolument que tous les batwa (ndlr: pygmées) apprennent cette bonne nouvelle. »

Depuis, Jean-Paul fait partie des 76 Babamama du camp de Mugunga III, et il s’investit avec ses collègues dans les projets de résilience et d’empowerment dans le camp et dans le groupement de Mudja, territoire de Nyiragongo

 

Elles trouvent le courage de rentrer

A l’heure où la Province du Nord-Kivu compte plus de 830’000 personnes déplacées, 2 de nos Babamama ont eu le courage et l’envie de rentrer chez elles après des années passées dans un camp.

Séance Simama
Séance Simama

Pourquoi partir maintenant? Comme Babamama, elles ont appris les exercices de détraumatisation, elles savent gérer des cercles de parole et mener à bien une activité communautaire pour la cohésion sociale et l’acquisition de revenus.

Et elles ont souligné que enfin elles se sentaient armées pour repartir chez elle et si possible créer une antenne Simama dans leur lieu de retour. Merci les amies et à tout à l’heure!!!